La mort du cardinal Jean-Marie Lustiger, le 5 août dernier, a suscité en ceux qui l’ont connu, respecté, aimé, la déchirure de la séparation mais aussi l’action de grâce pour tout ce qu’ils avaient reçu du témoin de Dieu et du pasteur. Le destin exceptionnel de ce fils de juif polonais immigré, né parisien, et converti au christianisme à l’âge de 14 ans ne peut être compris a posteriori sans l’attention de la Providence pour les hommes de notre temps après la tragédie de la guerre et les questions qu’elle posait à la conscience contemporaine. Ce que le concile Vatican II avait déchiffré, c’est-à-dire l’impossibilité de penser la révélation chrétienne sans la profondeur de la première Alliance, Aaron-Jean-Marie Lustiger en apportait la démonstration vivante. L’enracinement du baptisé, du prêtre, de l’évêque dans le mystère du Christ resuscité était à la mesure de l’héritier de la Promesse, celui qui avait reconnu en Jésus le Messie d’Israël. C’était tout le secret du Cardinal, de sa foi qui émerveillait un André Frossard, de sa prodigieuse énergie pour réveiller la ferveur au cœur des chrétiens et annoncer l’Evangile dans son diocèse et bien au-delà.
Il faut dire qu’à l’exemple de Jean-Paul II, son grand ami, la Providence avait doué le Cardinal de toutes sortes de dons qui servaient admirablement sa mission. Son intelligence vive, son sens historique aigu, son charisme d’éveilleur de la jeunesse et aussi sa force de caractère proverbiale, ont permis à l’archevêque de Paris de réaliser sa vocation, avec tous les fruits visibles, ceux qui apparurent au moment des Journées mondiales de la jeunesse, il y a dix ans, et pour la Toussaint 2004. De la fondation de Radio Notre-Dame en passant par l’Ecole cathédrale, KTO, jusqu’au centre des Bernardins qui sera inauguré à la rentrée, on dénombrera ses initiatives sans oublier que ses séminaristes et ses prêtres étaient comme la prunelle de ses yeux et que toute son ecclésiologie était fondée sur l’eucharistie qu’il célébrait chaque dimanche soir à Notre-Dame, ce qui lui permettait d’être disponible à tous ceux qui désiraient l’approcher.
S’il m’est permis d’apporter une touche personnelle à cet adieu au Cardinal, on m’autorisera à évoquer une véritable amitié de plus d’un quart de siècle et dont j’étais l’indigne bénéficiaire. Il m’est difficile aujourd’hui d’avouer ma tristesse d’être séparé d’un pareil interlocuteur qui jamais ne ménagea son temps pour répondre à mes questions, bien au-delà des entretiens accordés au journaliste. La conjonction providentielle Jean-Paul II – Jean-Marie Lustiger m’a comblé bien au-delà de ce que je pourrais dire. Le Père de Lubac affirmait qu’en un temps où ils étaient rares, Dieu nous avait donné deux personnalités exceptionnelles, deux grands hommes. C’était ma conviction sans cesse affermie par l’expérience. Au moment où notre cher Cardinal franchit la porte du Ciel et reçoit la récompense du bon et fidèle serviteur, il est et demeurera pour nous un des grands évêques de l’Histoire, de la trempe d’un Irénée et d’un Athanase. Jean-Marie Lustiger a rendu son dernier soupir à la maison Jeanne-Garnier qu’il avait fondée, devant les religieuses qui l’ont assisté avec tant de délicatesse dans ses dernières semaines. C’était le dimanche, à l’heure où habituellement il achevait sa messe à Notre-Dame de Paris. C’était aussi la vigile de la Transfiguration. Quel signe pour achever une existence dédiée au Christ, marquée de tous les stigmates de l’Histoire mais ressuscitée et vivante à jamais !
Gérard LECLERC
Dimanche 12 août
Le Jour du Seigneur bouleverse ses programmes pour rendre hommage au cardinal Jean-Marie Lustiger, décédé dimanche.
Eric Pailler reçoit Gérard Leclerc, rédacteur en chef de France Catholique, et Matthieu Rougé, curé de Sainte-Clotilde, responsable du Service Pastoral d’Etudes Politiques.
Tous deux ont bien connu le cardinal Lustiger. A l’aide d’images d’archives de l’INA et du Jour du Seigneur, ils retraceront les grandes étapes de son parcours et ses priorités pastorales, autour de trois thèmes :
* L’Archevêque de Paris et la manière dont il a façonné le diocèse,
* Sa relation avec le judaïsme,
* Sa relation avec les jeunes.
www.lejourduseigneur.com/accueil/l_evenement/hommage_au_cardinal_j_m_lustiger
Lire l’article de Gérard Leclerc dans Le Figaro du 6 août 2007 www.lefigaro.fr/france/20070806.FIG000000246_l_archeveque_de_jean_paul_ii_n_a_jamais_cesse_d_innover.html
Successeur du cardinal Marty, Mgr Lustiger a secoué les conformismes, et imposé des renouveaux.
POUR quelques semaines, Valéry Giscard d’Estaing était encore président de la République. La nouvelle vint de Rome : le pape Jean-Paul II donnait comme successeur au cardinal François Marty, Mgr Jean-Marie Lustiger, depuis peu évêque d’Orléans. Cette nomination n’était pas anodine. Paris constitue pour l’Église catholique un siège de référence, eu égard à l’histoire de « la fille aînée ».
Mais la personnalité du nouvel archevêque avait de quoi étonner. Un quotidien depuis disparu n’avait-il pas titré : « Jean-Paul II vient de nommer le nouvel archevêque de Paris, il est juif ». Jean-Marie Lustiger n’était pourtant pas un inconnu. Longtemps aumônier des étudiants de Paris, il avait été au contact de milliers d’étudiants. Les plus brillants des jeunes intellectuels catholiques s’identifiaient naturellement à ce prêtre atypique qui avait souvent précédé les évolutions de la culture et de la société. Jean-Paul II était évêque de Rome depuis 1978 et il était venu à Paris au printemps 1980, signifiant ainsi quelle importance il accordait à notre capitale. À ce moment, l’archevêque avait dépassé l’âge de la retraite et il attendait un successeur. C’est lui qui avait accueilli le pape, mais il avait vécu ainsi le terme d’un épiscopat difficile, celui de la crise post-conciliaire qui s’était traduite notamment par une violente contestation à l’intérieur du clergé parisien. Jean-Paul II avait pris son temps. Il avait longuement prié dans sa chapelle personnelle. Sa décision mûrie, il l’avait officialisée : c’était Jean-Marie Lustiger qui prendrait les commandes d’un des diocèses les plus stratégiques pour l’Église.
Le face-à-face des deux hommes a quelque chose de fascinant. Le cardinal Lustiger ne se souvenait plus exactement de ce qui s’était passé lors de sa première rencontre avec le pape polonais. Mais il avait eu l’intuition que Jean-Paul II « savait ». Entre l’homme venu des bords de la Vistule et qui avait eu sous sa responsabilité le territoire d’Auschwitz, et celui qui y avait perdu sa mère, il y avait une profonde connivence. Les deux hommes avaient la même appréhension du destin de l’Europe. Ils s’interrogeaient sur son devenir. Et si Jean-Paul II avait choisi Jean-Marie Lustiger, c’est qu’il l’estimait à même de correspondre aux enjeux de l’Histoire, ceux qui décideraient de l’avenir du christianisme en France et en Europe. Le pape ne serait pas déçu dans son attente.
Audace réformatrice
En quelques mois, le nouvel archevêque montrerait la force de sa personnalité, l’originalité de sa pensée, mais aussi son audace réformatrice. Dans une Église de France de plus en plus affaiblie dans ses forces vives, Jean-Marie Lustiger allait tenir un langage qui détonnerait. Loin de consentir à un inéluctable déclin, il affirmait la puissance de rénovation d’une institution, supérieure à ses propres tourments et aux provocations de la modernité. N’avait-il pas prévu, contre une grande part de l’intelligentsia catholique, que le communisme n’était qu’une parenthèse et que la culture chrétienne s’affadissait dans des compromis sans lendemain ? Il fallait donc innover, recréer, et pour cela, parfois, trancher dans le vif. La question du renouveau du clergé était, à ses yeux, capitale. Il était donc nécessaire de refaire un nouveau séminaire, d’imposer une rupture avec les institutions existantes.
Mais ce fut l’origine d’un véritable renouveau avec la formation de jeunes prêtres, ce qui constituait une exception par rapport à l’ensemble du territoire national. La formation du laïcat avec l’École cathédrale constituerait son second objectif, là encore non sans rupture avec les habitudes acquises. Dès le début, Jean-Marie Lustiger allait s’avérer comme un remarquable communicateur, suscitant un véritable engouement de la part de tous les médias. Jusqu’au terme de son mandat, l’archevêque de Paris fut fidèle à sa réputation, secouant les conformismes, ranimant les énergies et réveillant la capitale avec des événements aussi marquants que les JMJ en 1997 et la Toussaint 2004.
Gérard Leclerc
Que Dieu vous bénisse !
Thierry Fourchaud
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A bientôt sur : www.mariereine.com
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